Heracles Robotics veut révolutionner le métier de terrassier

Parole données - Publié le 24 avril 2023

Réaliser des opérations de terrassement sans conducteur, travailler plus vite, gagner en sécurité sans faire disparaitre le métier de terrassier et limiter les émissions de CO2 sur les chantiers : la start-up Heracles Robotics entend atteindre tous ces objectifs grâce à l’intelligence artificielle.

    « Au début, notre solution pouvait apparaitre comme de la science-fiction ! En montrant à nos pairs comment les machines se déplacent toutes seules, on a réussi à convaincre le secteur que le métier de conducteur d’engins allait évoluer. » Jean-Charles Le Floch, ingénieur travaux, a toujours cru en son idée « J’ai passé 15 ans dans une entreprise de travaux publics, précise-t-il. Puis, je suis devenu responsable d’exploitation d’une agence de travaux publics en en Normandie avec une activité liée au terrassement ces 7 dernières années. Mon associé a sa propre entreprise, spécialisée dans la topographie et le guidage 3D des engins. »

    En mars 2020, il fonde Heracles Robotics avec Silvère Faucon, géomètre. Leurs compétences associées, ils se lancent dans la prospection. « On savait que le guidage des engins existait déjà. Sauf qu’actuellement, il y a toujours la nécessité d’avoir un conducteur pour effectuer les déplacements. »

    Commercialisation de prestations avec des engins autonomes en 2023

    Ils imaginent d’abord, un prototype de 70 cm sur lequel tester leur solution. Puis ils passent à la vitesse supérieure.

    « Nous avons acheté une pelleteuse de 25 tonnes que l’on a équipé d’un process plus mature. Notre ambition est de réaliser des prestations de terrassement avec des engins autonomes, de manière à rendre plus robustes nos algorithmes.»

    Actuellement, la start-up fait « tourner » des algorithmes d’apprentissage par renforcement. En clair : la machine apprend par elle-même à mieux travailler.

    « On a tout un système de capteurs sur la machine qui enregistre de la donnée : des capteurs de positionnement, d’effort, de mapping. Le scanner fait des numérisations sur le terrain en temps réel. Ainsi, on sait ce que fait la machine, combien elle a consommé, quels mouvements elle a fait. C’est une phase assez longue car il nous faut des milliers d’heures de manière à entrainer nos algorithmes. »

    Pallier le manque de manque de main d’œuvre

    Les résultats obtenus sont satisfaisants.

    « Nous devons continuer nos apprentissages pour accélérer les mouvements et les rendre plus précis. C’est pour cela que nous réalisons des prestations qui nous permettent de progresser tout en générant à la fois de l’activité et du chiffre d’affaires. Nous nous donnons trois ans pour avoir un système robuste et qui aux dires des roboticiens et des spécialistes de l’IA, sera nécessairement plus performant qu’un opérateur traditionnel. »

    Une aubaine pour le secteur qui connait une pénurie de main d’œuvre et qui émet beaucoup de gaz à effets de serre.

     « Sur un chantier de terrassement, une dizaine de machines consomment entre 2000 et 3000 litres de gazole par jour ! Notre solution peut aussi agir positivement sur l’environnement.»

    Les deux associés développent aussi des algorithmes de conduite plus lente dans certaines phases ou plus douce, de sorte à limiter la consommation de GNR avec le même travail effectué.

    « Dans nos simulations, nous parvenons à économiser au moins 18% d’émissions de CO2 », souligne le cofondateur.

    Montée en compétences

    Au-delà de ces applications, Heracles Robotics a inventé un nouveau métier : celui de superviseur de machines autonomes.

    « Il y aura toujours besoin de conducteurs d’engins dans d’autres milieux, sur des sites urbains par exemple. Mais il y a énormément de cas d’usages qui peuvent être robotisés. On tend vers un usage mixte, entre véhicules autonomes et terrassement traditionnel. C’est l’évolution du métier !»

    Pas question de remplacer les hommes par les machines.

    « Les deux sont complémentaires. Les étudiants en école de conduite d’engins, à qui il nous arrive de présenter la solution, vont monter en compétences. Si l’interface se veut simple, elle nécessite des notions de robotique :  connaître le calage ou la topographie. Cela reste de la technologie avancée. »

    Cette complémentarité est plutôt saine et donne un nouveau souffle à un métier qui manque d’attractivité.  Les deux associés estiment que « toutes les tâches ingrates ou dans des environnements dangereux, notamment sur des sites industriels, les phases de chargement ou le remblaiement des déchets pourront être déléguées aux engins autonomes tout en répondant aux problématiques de manque de main-d’œuvre et de conditions de travail jugées difficiles. »  

    « On serait contents de refaire un Booster IA ! »

    D’abord accueillie par « Normandie Incubation » pendant deux ans, de 2020 à 2022, Heracles Robotics continue son travail au sein de l’accélérateur de Normandie Incubation.

    « Nous sommes mis en relation avec les programmes locaux liés à notre activité. Par ailleurs, nous sommes labellisés « deep tech » par la BPI, ce qui signifie que l’on a un programme de recherche en cours sur l’IA, avec des laboratoires. »

    En 2020, les cofondateurs ont besoin de financement pour développer à échelle réelle, leur chargeuse autonome.

    « Booster IA nous a aidés à développer le système, à savoir des algorithmes pour extraire les données des capteurs. Nous avons reçu 18 000 € sur un projet de 35 000 € au total. On serait contents de refaire un Booster IA ! »

    Jean-Charles Le Floch et Silvère Faucon ne manquent pas de sources de développement.

    « On a la chance de bénéficier en Normandie d’un écosystème porteur. Nous venons d’être labellisés par le port du Havre. L’objectif est de développer de la communication 5G pour toutes nos datas afin d’entrainer nos algorithmes sur des datas non compressées, des datas de scanner de terrain. L’idée est de réaliser ces entrainements sur des serveurs distants grâce à la 5G. »